Jigoro
Kano, et la réforme des grades
« Jai fondé le Kôdôkan en lan 15 de Meiji
[1882] et ai fixé les grades des pratiquants sans tarder.
Autrefois, en fonction des habitudes, le nombre de grades
différait et, pour chacun, on se voyait remettre des
rouleaux aux noms divers mais, en général, il existait
trois grandes divisions qui étaient mokuroku, menkyo et
kaiden (...). Je ressentis quil y avait trop de
temps entre chacune pour que cela soit dune
quelconque aide sur le plan de la motivation des
pratiquants.
Alors, je baptisai les débutants mudan-sha [personnes
sans dan] que je séparai en trois divisions, kô, otsu,
hei et je mis sur pied un système dans lequel on
devenait 1er dan après une certaine progression dans la
pratique puis 2e, 3e, 4e dan et ainsi de suite vers le
haut, en faisant en sorte que le 10e dan soit attribué
aux personnes qui, dans lancien système, auraient
atteint le niveau kaiden. Par la suite, je ressentis
encore quavec mon système des trois étapes kô,
otsu et hei pour les personnes sans dan, le temps était
toujours trop important entre deux pour les motiver, et
je réformai le système en instaurant un 1er, un 2e, un
3e, un 4e, un 5e kyû ainsi quun non-grade, ce qui
correspondait à six kyû. En y réfléchissant avec lexpérience
acquise depuis, je pense que cela correspond assez bien
aux besoins. »
Traduction Yves Cadot.
Le grade doit être
le reflet de la compétence
« Tous ceux qui veulent obtenir la ceinture noire
aujourdhui passent par la même épreuve, ce qui
est essentiel pour que le grade continue à avoir une
valeur commune, quil ne puisse pas représenter des
choses différentes pour les uns ou pour les autres. Cest
le sens de ce que nous avons cherché à préserver au
sein de cette commission des grades qui représente lensemble
des acteurs du judo.
Le judo est une discipline hiérarchisée, ce qui la rend
originale, surtout dans une société comme la nôtre. Le
grade est le reflet de la compétence. En aucun cas, il
ne peut être attribué pour dautres raisons que
celle-là, comme une récompense, ou pour des raisons
honorifiques.
Il représente lunité constante des trois éléments
quon développe à travers la pratique, le corps (tai),
la technique (gi) et lesprit (Shin).
Du premier au quatrième dan, le judoka doit faire la démonstration
de son talent de combattant, être un athlète. Au cinquième
dan, il doit démontrer une connaissance parfaite de sa
discipline sur le plan technique, enfin au sixième il
devient essentiel quil soit engagé vis-à-vis des
autres, pose un regard élargi et bienveillant sur ce qui
lentoure, soit engagé dans un processus de
transmission,
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qui
est la suite logique, la pente naturelle où doit le
conduire lapprofondissement de la discipline. Le
temps qui sépare un grade dun autre ne doit pas
considéré être comme un critère dancienneté,
mais comme un espace de travail et de progrès.
Sil est
important de passer les grades, larrivisme à ce
niveau est une grave dérive. Tous les grades sont
honorables... »
Les grades
utilisés dans la plupart des arts martiaux aujourdhui
sont, comme en judo, les « KYU » et les « DAN ».
Pourtant, il sagit dune invention de Jigoro
Kano. Ce système a eu tellement de succès au-delà
même du cadre du judo ou des milieux martiaux que
les autres arts martiaux se structurèrent bientôt sur
ce modèle, à commencer par le kendo en 1917.
KYU est un caractère composé de deux parties. Celle de
droite est une combinaison graphique symbolisant la main
qui saisit dans le dos un homme qui senfuit et que
lon poursuit. Il sagit de poursuivre quelquun
de trace en trace jusquà latteindre. La
partie gauche représente le fil et lassociation de
ces deux éléments signifie que quand, sur le métier à
tisser, on passe le fil pas à pas sans brûler les étapes,
une étoffe complète se forme. Kyu, cest donc
faire les choses méthodiquement étape par étape jusquà
la constitution dun ensemble parfait.
Par rapport à ce sens, DAN pourrait presque représenter
le processus contraire. En effet, dan véhicule lidée
dun tout divisé plusieurs fois et où ce terme désigne
ces fragments : un dan représente donc une division dun
tout. Dan véhicule également une idée de mouvement du
haut vers le bas qui se déroule par étapes sonores. Il
y a donc progression de division en division pour
parcourir un espace dans sa totalité, chaque fois plus
profondément. De plus, chaque étape doit être marquée
et affirmée jusquà la faire résonner, cest-à-dire
jusquà ce quelle soit parfaitement possédée,
avant de passer à la suivante.
Le système des kyu symbolise donc la construction
progressive dune base pour le pratiquant à partir
de laquelle il pourra approfondir, de dan en dan, la
pratique dans tous ses aspects.
Yves Cadot.
Jacques Delvaux (Secrétaire général de la commission
spécialisée des dans et grades équivalents de la FFJDA
- 7e dan)
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